Depuis 10 ans, les étudiants de deuxième année en architecture se retrouvent deux jours dans la forêt de Brumath pour y créer des installations éphémères, faites de branches, feuilles et ficelles. Un exercice grandeur nature pour aiguiser son regard, stimuler sa créativité et confronter ses idées à la réalité du terrain et de la matière…
Attirés par un pin singulier et l’espace vierge qui l’entourait, Marianne, Alexia et Gwennolé ont imaginé une alcôve tapissée de mousse, surmontée d’un baldaquin de branches pour créer un espace de repos accueillant pour les promeneurs. Sa forme triangulaire a été guidée par le lieu : trois arbres solides auxquels le suspendre. « Ce sont les caractéristiques du lieu qui donnent les idées, guident le projet. Il ne pourrait pas être ailleurs » expliquent les étudiants.
Révèle, cache ou valorise
Pour Anke Vrijs, artiste et enseignante en art à l’INSA Strasbourg, l’un des objectifs pédagogiques de cet atelier est d’apprendre à regarder. D’où la consigne de départ : promenez-vous, repérez un endroit qui vous interpelle, vous parle, et imaginez une intervention sensible qui révèle, cache ou met en valeur un aspect du sentier. « Un rayon de lumière, une ouverture sur le ciel, une densité particulière, un arbre tombé, un monticule ou une percée dans la forêt peuvent être source d’inspiration ». L’atelier est inscrit au programme des Journées de l’Architecture, dont le thème « Ensemble » devient également celui de leurs installations.
« Ça nous apprend à suivre notre ressenti »
Le premier jour, ils repèrent, imaginent et conçoivent. Le deuxième, ils réalisent avec, comme unique matériau, les éléments naturels trouvés sur place, de la ficelle et du fil de fer. Ils dessinent, nouent, creusent, tissent, assemblent, suspendent… Louana, Lucille et Femke ont été inspirées par un trou circulaire dans la terre, dans une courbe du sentier. Elles ont imaginé un foyer qui invite à s’y reposer ensemble quelques instants, comme le font les hommes depuis des millénaires autour du feu. Des panneaux de branchages délimitent l’espace, attisent la curiosité et créent une intimité. « Les contraintes de l’espace sont tout sauf des contraintes, elles nous guident. On peut créer à partir d’elles. Ça nous apprend à suivre notre ressenti, notre instinct ».
« L’amour du détail »
Anke les guide dans leur projet pour qu’il soit plus abouti : donner une unité stylistique en utilisant la même trame graphique, dissimuler le système d’accroche fait de ficelles pour un rendu plus soigné et esthétique. « Ayez l’amour du détail » leur dit-elle.
Certains endroits, sans doute plus singuliers, sont investis d’année en année par les étudiants. Les uns reprenant parfois des éléments de l’installation de leurs prédécesseurs, comme cette ligne de mousse apportée en 2011, qui a pris racine et a été intégrée dans des projets 2015 et 2017…
Anamorphose et poésie
Au fil des ans, Anke Vrijs remarque des thèmes récurrents : les formes géométriques, qui tranchent avec la nature, les jeux sur la perspective, l’approche poétique, telle que cette « piste d’atterrissage pour anges » en 2012, ou encore l’anamorphose. Tel ce losange qui se dessine en creux dans les arbres, lorsqu’on est assis sur un tronc, minutieusement et mathématiquement composé par Charlotte, Adèle et Maëlle, à partir de panneaux de branches suspendus à différents plans. Leur croquis montre leur position, calculée au centimètre.
La vingtaine d’installations semées le long du sentier « D’ici et d’ailleurs » a été inaugurée le 13 octobre 2018 en présence de la Mairie de Brumath, qui accompagne l’initiative depuis 10 ans, du département architecture de l’INSA Strasbourg, des étudiants et des Brumathois curieux… Elles sont visibles jusqu’à l’année prochaine, dans la limite des épreuves que la nature leur imposera !