Le vendredi 19 mai 2023 les étudiant.es architectes-ingénieur.es en 4eme année à l'INSA Strasbourg ont présenté lors d'une séance ouverte au public et devant un jury international, leurs projets qui focalisent au renouveau du marché gare par la transition écologique et l'agriculture urbaine.
Au cœur des défis climatiques qui pèsent sur notre époque, l’environnement bâti se profile dans le cadre de l’atelier « hétérotopies climatiques » comme un acteur essentiel, porteur d’une réponse utopique qui peut quand même devenir réalité. En conjuguant le savoir scientifique et étant fondé sur des concepts philosophiques forts, cet atelier envisage de creuser pédagogiquement une voie d’espoir dans la lutte contre le dérèglement climatique par le biais de l’éco-conception architecturale.
Éco-conception architecturale, utopie et hétérotopie
L’éco-conception architecturale, au sein de l’atelier « hétérotopies climatiques« , représente une réponse utopique qui pourrait se convertir en réalité face aux défis climatiques qui pèsent sur notre époque. En intégrant le savoir scientifique et des concepts philosophiques, cet atelier explore une approche novatrice pour façonner l’environnement bâti en harmonie avec la nature. Inspiré par la notion de l’hétérotopie du philosophe Michel Foucault, il se lance dans une quête audacieuse : repenser la relation entre l’homme et l’espace bâti dans un contexte de crise climatique.
À travers l’éco-conception, les étudiant.es sont invité.es à puiser dans des connaissances scientifiques pour créer des solutions architecturales durables. Des matériaux biosourcés, des systèmes de production d’énergie renouvelable et des techniques de construction respectueuses de l’environnement sont explorés pour réduire l’empreinte carbone de solutions proposées. En combinant ces approches scientifiques avec une réflexion philosophique, les étudiant.es cherchent à transcender les limites traditionnelles de l’architecture pour imaginer des espaces qui accueilleront de l’agriculture urbaine et qui s’intègrent pleinement dans leur environnement naturel.
Ce processus d’éco-conception ne se limite pas à l’échelle individuelle des bâtiments, mais s’étend également à l’échelle urbaine. Les étudiant.es sont encouragé.es à penser en termes de quartiers et de villes, en envisageant des solutions holistiques pour lutter contre les îlots de chaleur urbains, préserver la biodiversité et favoriser la mobilité durable. Ainsi, l’éco-conception architecturale devient un moyen universel de repenser notre relation avec l’environnement bâti et de créer des espaces qui répondent aux besoins humains tout en respectant les écosystèmes naturels.
Cet atelier, en intégrant le savoir scientifique de l’équipe pédagogique et étant fondé sur des concepts philosophiques forts, propose une approche multidisciplinaire pour aborder les défis climatiques contemporains par le biais de l’architecture. En combinant la rigueur scientifique avec une réflexion éthique et esthétique, l’atelier encourage les étudiant.es à repousser les limites de l’architecture traditionnelle et à imaginer des environnements bâtis qui embrassent une vision utopique de la durabilité. Ainsi, l’éco-conception architecturale devient un outil puissant pour créer et spatialiser un avenir où l’homme et la nature coexistent en harmonie, et où l’environnement bâti devient une réponse concrète aux défis climatiques de notre époque.
L’évènement phare de cet atelier depuis 2019 est la présentation des projets lors d’une séance ouverte au public devant un jury international.
Jury international : un outil pédagogique qui apporte des compétences
La communication des projets étudiants à un jury international dans le cadre du projet e-CREHA (education for Climate Resilient European Architectural Heritage) a comme objectif de leur offrir l’opportunité de présenter leur travail devant un public plus large et diversifié, composé d’expert.es et de professionnel.les du domaine. Cela les a poussé à affiner leur discours, à structurer leurs idées et à présenter leurs réalisations de manière claire et convaincante. Cette expérience de communication -qui se pratique depuis 2019- renforce ainsi leurs compétences en matière de présentation et de prise de parole en anglais en public, des compétences essentielles dans le monde professionnel contemporain.
De plus, la confrontation des projets étudiant.es à un jury international leur a permis de recevoir un retour direct d’experts externes. Les membres du jury ont apporté des perspectives nouvelles, des connaissances approfondies et des critères d’évaluation spécifiques. Les commentaires et les critiques constructives formulés par le jury ont offert aux étudiant.es une occasion précieuse d’apprendre et de se perfectionner, en prenant conscience de leurs forces et de leurs faiblesses, et identifier les aspects à améliorer dans leurs projets futurs. Ce processus d’évaluation externe a favorisé ainsi une réflexion critique et une remise en question nécessaire à leur progression et pour cela constitue un outil pédagogique important de cet atelier.
De façon générale, la communication des projets étudiant.es à un jury international diversifié leur permet d’établir des liens avec des professionnel.les et des académicien.nes du domaine. Les membres invités du jury sont chaque année des expert.es renommé.es, des praticien.nes expérimenté.es ou même des représentant.es d’entreprises ou d’organisations. Cette année on a eu l’occasion d’accueillir au sein de ce jury Mme Françoise Schaetzel, conseillère municipale de la ville de Strasbourg, 7e vice-présidente à l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) et présidente de l’agence d’urbanisme de Strasbourg Rhin Supérieur (Adeus), de mme Christine Lollier-Brassac, directrice de la société d’aménagement du marché d’intérêt national de Strasbourg (SAMINS), des représentants d’ADEUS (m. Brice Van Haaren), de l’association chargée de la surveillance de la qualité de l’air sur la région Grand Est (mme Mathilde Wabartha – ATMO Grand’Est), de SAMINS, et de l’agence Climat (mme Muriel Temme) ainsi que d’enseignants-chercheur.es partenaires de l’INSA Strasbourg comme les professeur.es Rosella Nocera, Luciano De Bonis et Giovanni Ottaviano de Unimol, ainsi que Burcu Selcen Coscun de Mimar Sinan et Michal Pelczarski de Wroclaw University of Technology (Italie, Roumanie, Pologne, Turquie) dans le cadre du projet e-CREHA.
Ces rencontres offrent chaque année aux étudiant.es la possibilité de se connecter avec des acteur.rices clés de leur domaine d’étude, d’établir des contacts professionnels et d’explorer des opportunités de collaboration future. Ces interactions favorisent une ouverture sur le monde professionnel et une mise en réseau qui peuvent être bénéfiques pour leur parcours académique et leur future carrière.
Par ailleurs, la nécessité d’internationaliser l’enseignement de l’architecture découle d’un monde de plus en plus interconnecté et globalisé. Dans un contexte où les défis architecturaux et urbains transcendent les frontières nationales, il est essentiel que les futur.es architectes développent une compréhension profonde des enjeux mondiaux et des différentes cultures architecturales.
Il a été constaté que l’internationalisation de l’enseignement de l’architecture au sein de l’INSA Strasbourg, qui s’intensifie depuis 2019, permet aux étudiant.es d’acquérir une perspective élargie, d’explorer des approches variées et de s’inspirer des meilleures pratiques à travers le monde. Cela favorise également une ouverture d’esprit, une sensibilité interculturelle et une capacité à collaborer avec des professionnels d’horizons divers.
En intégrant des dimensions internationales directement et/ou indirectement dans le curriculum, l’école d’architecture de l’INSA Strasbourg envisage de préparer ses étudiant.es à devenir des acteur.rices compétents et responsables dans la conception de bâtiments et d’environnements urbains qui répondent aux défis contemporains, tout en reflétant la richesse et la diversité de notre monde en constante évolution.
L’imaginaire radical instituant, l’iconification de l’agriculture urbaine et la spatialisation de la résilience via l’éco-conception
Quant à l’exercice conceptuelle de cet atelier, elle s’inscrit dans la quête d’un avenir durable, où l’imaginaire radical instituant des étudiant.es se dessine comme une force créatrice capable de transformer le rapport de la société contemporaine à l’agriculture urbaine et à la résilience spatiale face au changement climatique. En s’affranchissant des schémas conventionnels et en embrassant une vision audacieuse, les étudiant.es sont invité.es à iconiser l’agriculture urbaine, en la hissant au rang de symbole incontournable de notre rapport à la nature et à la sécurité alimentaire.
L’agriculture urbaine, dans son essence même, repousse leurs limites de conception traditionnelle de l’espace et remet en question les frontières entre la ville et la campagne. En reconnaissant que les territoires urbains sont des espaces potentiellement fertiles, les étudiant.es sont mis.es dans un contexte pédagogique qui les incite d’affranchir des contraintes géographiques et embrasser une spatialisation nouvelle et résiliente de nos villes. Les toits végétalisés, les jardins communautaires, les fermes verticales et les potagers en pied d’immeuble deviennent autant de symboles vivants de notre capacité à nous reconnecter à la nature et à réinventer notre rapport à l’alimentation.
Néanmoins, cette « iconisation » de l’agriculture urbaine ne se limite pas à une simple esthétique visuelle. Elle s’inscrit dans une démarche plus profonde, où la résilience spatiale devient une composante essentielle des environnements urbains du futur. En pensant de manière holistique, les étudiant.es doivent spatialiser la notion de résilience à tous les niveaux de la planification urbaine, de l’architecture à l’aménagement du territoire. La forme spatiale des infrastructures vertes, des espaces de détente et de régénération, des solutions d’adaptation aux changements climatiques deviennent autant d’éléments clés dans la construction de villes résilientes et harmonieuses.
À travers un processus pédagogique qui les incite d’utiliser l’imaginaire radical instituant -tel qu’il est défini par Cornelius Castoriadis- ils/elles essaient de repenser notre relation à l’agriculture urbaine et à la résilience spatiale en termes de possibilités infinies par le biais de leurs projets . C’est en embrassant une approche transdisciplinaire, où l’art, la philosophie, la science et la technologie convergent, qu’ils/elles essaient de repousser les limites du possible. En donnant une voix à l’imaginaire, en osant rêver d’un avenir où les villes sont des oasis de verdure et de résilience, les étudiant.es deviennent les acteur.rices du changement et les bâtisseur.euses d’un monde meilleur.
Ainsi, leur imaginaire radical instituant est mobilisé pour offrir une vision audacieuse et inspirante pour « iconifier » l’agriculture urbaine et spatialiser la résilience. En embrassant cette démarche, ils /elles sont invité.es de transformer nos villes en des écosystèmes nourriciers et résilients, où l’homme et la nature cohabitent en harmonie. C’est en cultivant leur imagination, en repoussant les limites de leur pensée et en agissant collectivement que l’équipe pédagogique essaie de les aider à pouvoir concrétiser cette vision utopique et bâtir un avenir durable.
Puisque dans leurs projets l’environnement bâti ne se limite pas à sa dimension matérielle. Il incarne également des valeurs et des idéaux qui peuvent être nourris par des réflexions philosophiques. En s’inspirant de la pensée de philosophes tels que Martin Heidegger ou Bruno Latour, les étudiant.es sont aussi invité.es à repenser la relation de l’homme à la nature et à l’environnement car dans leurs projets l’environnement bâti va au-delà de sa matérialité et s’inscrit dans une dimension de recherche philosophique profonde. Des réflexions philosophiques, inspirées par des penseurs tels que Martin Heidegger et Bruno Latour, sont utilisés par l’équipe pédagogique pour proposer des projets qui interrogent la relation de l’homme à la nature, à l’environnement et à l’architecture elle-même.
Dans la mesure où la philosophie heideggérienne nous rappelle que l’architecture n’est pas simplement une discipline technique, mais qu’elle a une dimension poétique et existentielle, les projets des étudiant.es développent des « espaces autres » qui intègrent la dimension utopique sans regrets. Selon Heidegger, l’architecture ne se réduit pas à la construction de bâtiments, mais elle est un moyen d’exprimer notre rapport au monde et de créer des lieux où l’homme peut habiter en harmonie avec son environnement. Ainsi, leurs projets ne sont pas des simples créations intuitives. Il s’agit des « poïétiques » spatiales qui engagent une réflexion sur la manière dont l’architecture peut contribuer à la préservation et à la mise en valeur de notre relation à la nature et à notre environnement. Le concept heideggérien de la « poïétique » est utilisé comme point de départ dans leurs projets comme un argument qui rappellera à l’usager de l’espace que l’architecture ne consiste pas simplement à ériger des structures, mais à créer des lieux où l’homme peut habiter en harmonie avec son environnement.
De façon complémentaire, la philosophie de Bruno Latour est une référence essentielle de cet atelier de conception architecturale afin de conduire les étudiant.e.s à modifier la façon dont ils/elles comprennent et conçoivent la réalité sociale et environnementale par le biais de leurs projets. Selon Latour, il est crucial de reconnaître que les acteurs humains et non humains sont tous des acteurs influençant le monde réel. Ainsi les projets conçus au sein de cet atelier remettent en question la distinction traditionnelle entre les sujets humains et les objets non humains en utilisant des outils architecturaux, soulignant que notre réalité est tissée de relations complexes et d’interactions constantes entre ces acteurs.
Dans le contexte des environnements bâtis proposés par les étudiant.es, cela signifie que l’architecture et les constructions sont considérés comme faisant partie d’un réseau d’acteurs-utilisateurs qui comprend également la nature, les matériaux, les technologies et les communautés humaines et animales. Les bâtiments ne sont pas simplement des objets statiques, mais ils font partie intégrante d’un écosystème dynamique évolutif plus vaste où des influences multiples et diverses s’entrecroisent.
En adoptant cette perspective, les étudiant.es sont amené.es à repenser la relation des utilisateurs avec l’environnement bâti et à reconnaître leur responsabilité envers les acteurs non humains qui y contribuent. Cela les pousse à concevoir des bâtiments et des espaces qui tiennent compte des besoins de la nature, des cycles écologiques et des écosystèmes locaux. Ils/elles doivent prendre en compte les ressources utilisées dans la construction, la durabilité des matériaux, l’efficacité énergétique et l’impact global sur l’environnement de façon holistique et pérenne.
En conclusion, l’atelier « hétérotopies climatiques » a comme objectif de passer le message que les acteurs humains ne sont pas seuls dans la construction de notre réalité sociale. Les communautés locales, les habitants, les travailleurs de la construction et les autres parties prenantes sont tous des acteurs essentiels dans la conception et la gestion des environnements bâtis. Leur participation active et leur prise de conscience des enjeux environnementaux peuvent contribuer à créer des espaces plus inclusifs, durables et adaptés aux besoins de tous.
Ainsi les étudiant.es sont invité.es à reconsidérer leur approche de l’environnement bâti en le plaçant au centre d’un réseau d’acteurs humains et non humains. En reliant ces acteurs avec des outils de conception architecturale et en tenant compte de leurs interactions complexes, ils/elles sont en mesure de concevoir des espaces et de proposer des projets qui favorisent la durabilité, l’harmonie avec la nature et la justice sociale. Cette palette des perspectives philosophiques sur lesquelles l’atelier « hétérotopies climatiques » est fondé les pousse enfin à repenser leur rôle en tant qu’architectes et concepteurs, et à agir de manière responsable pour créer un environnement bâti qui reflète l’interconnexion de l’homme avec le monde qui l’entoure.