« Recyclophonitecture » étape 1 : le son comme un médium architectural et vice versa


Recyclophonitecture est une nouvelle expérimentation pédagogique destinée aux étudiant.e.s architectes et ingénieur.e.s en 4ᵉ année. Cette année, les principes et méthodes pédagogiques seront partagés avec le public à travers une série de blogs sous forme de carnets de bord d'atelier. Cette initiative vise à illustrer l’approche éducative en architecture, et plus particulièrement la formation Architecte-Ingénieur.e à l’INSA Strasbourg. Elle met en avant trois valeurs fondamentales de l’établissement : l’interdisciplinarité, l’ingéniosité et l’excellence.

Et si les outils d’architectes pouvaient servir à autre chose qu’à concevoir des bâtiments ? C’est exactement ce que propose Recyclophonitecture, une expérimentation pédagogique unique destinée aux étudiant.e.s architectes et ingénieur.e.s en 4ᵉ année à l’INSA Strasbourg.

💡 L’idée ? Utiliser des outils architecturaux – ceux qui servent d’habitude à imaginer des espaces – pour composer de la musique ! Oui, c’est bien cela : transformer des croquis, des plans et des structures en sons et en rythmes.

🎼 Un atelier pas comme les autres
Lazaros Mavromatidis,  le coordinateur de l’atelier (qui est par ailleurs musicien diplômé en guitare classique par le Ministère de la Culture de Grèce), a relevé le défi en créant une musique originale en utilisant des méthodes propres à l’architecture. Son objectif ? Montrer aux étudiant.e.s que ces outils peuvent être appliqués à bien d’autres domaines que la construction de bâtiments.

🛠️ Pourquoi c’est intéressant ?
Cet atelier pousse à penser autrement, à décloisonner les disciplines et à stimuler la créativité. La musique devient un moyen d’explorer de nouvelles idées architecturales et de nourrir la réflexion dès la phase initiale de conception d’un projet.

Quand l’Architecture Compose : Outils Architecturaux au Service de la Musique

La fondation artistique de Recyclophonitecture repose sur l’utilisation d’outils architecturaux — traditionnellement employés pour la conception spatiale — afin de composer de la musique. Recyclophonitecture est une musique composée en se basant sur des outils tels que:

  • Pensée Diagrammatique : Créer des paysages sonores à travers des représentations abstraites du mouvement, de la densité et du volume.
  • Conception Paramétrique : Traduire des éléments variables comme le ton, le rythme et le timbre en structures auditives évolutives.
  • Matérialité du Son : Traiter les sons comme des matériaux tactiles, mettant en avant la texture et la résonance pour créer des formes auditives.
  • Superposition Spatiale : Concevoir des couches sonores pour imiter des espaces physiques qui interagissent de manière dynamique, évoquant des perceptions de profondeur et de dimension.

À travers ces méthodologies, la composition se distingue des cadres musicaux conventionnels, adoptant plutôt une éthique architecturale où le son est traité comme une construction malléable.

DÉCONSTRUCTION COMME CADRE PHILOSOPHIQUE

Le recyclage des mélodies dans Recyclophonitecture s’inscrit dans une démarche inspirée par le concept philosophique de la déconstruction, tel que théorisé par le philosophe français Jacques Derrida. La déconstruction interroge les significations et les structures considérées comme fixes, encourageant leur réinterprétation à travers un processus de démantèlement et de reconstruction des éléments constitutifs. Dans cette composition, les thèmes musicaux sont fragmentés, analysés et réassemblés sous de nouvelles configurations, permettant aux auditeurs et auditrices de percevoir simultanément les échos de l’œuvre originelle et les formes inédites issues de cette transformation.

Cette approche s’apparente aux pratiques contemporaines en architecture adaptative, où des structures préexistantes sont métamorphosées pour donner naissance à des espaces novateurs et fonctionnels. En musique, cette méthode met en lumière la nature intrinsèquement transitoire et évolutive du son, tout en remettant en question les notions de permanence et de cohérence. Par le biais de cette recontextualisation créative, Recyclophonitecture incarne une exploration esthétique et conceptuelle qui valorise la polysémie, le devenir et la dynamique des formes et/ou morphologies musicales. Ainsi, cette œuvre invite à une réflexion profonde sur l’impermanence, tout en proposant une expérience où passé et présent cohabitent, tissant une dialectique entre mémoire et conception sonore.

ANALOGIES DES MATÉRIALITÉS SONORES ACOUSTIQUES ET NUMÉRIQUES

L’évolution de la composition, passant d’un quatuor à cordes classique à un orchestre électronique, opère comme une métaphore du dialogue architectural entre le physique et le numérique. Les instruments acoustiques traditionnels incarnent le monde tangible et matériel, ancré dans une temporalité et une physicalité palpables, tandis que les textures électroniques évoquent les potentialités immatérielles et paramétriques propres aux outils de conception contemporains. Cette juxtaposition reflète une synergie analogue à celle observée dans les pratiques architecturales, où les méthodes de construction conventionnelles s’enrichissent des avancées computationnelles, produisant des espaces hybrides qui transcendent les cadres traditionnels.

En fusionnant ces deux sphères, Recyclophonitecture illustre une esthétique de l’interdisciplinarité, où l’entrelacement des médiums sonores symbolise la complémentarité des techniques analogiques et numériques en architecture. Cette composition traduit ainsi une réflexion sur l’hybridation des pratiques, mettant en lumière la manière dont les outils et approches divergents peuvent coexister, se renforcer mutuellement et engendrer des expériences plurielles, superposées et multidimensionnelles. Par ce biais, l’œuvre questionne les frontières entre l’organique et le synthétique, entre l’historique et le prospectif, et invite à reconsidérer la manière dont les médiums, en dialogue, redéfinissent les paradigmes esthétiques et structurels.

LE SON COMME ESPACE ARCHITECTURAL

Au cœur de l’œuvre réside l’idée du son conçu comme une architecture en soi, où les processus de mixage et de mastering se transforment en analogies directes des principes de conception spatiale. Les paysages sonores, soigneusement stratifiés, édifient un environnement auditif immersif, offrant aux auditeurs et auditrices une perception quasi tridimensionnelle de l’espace. Chaque note, chaque rythme, agit comme un élément structurel, contribuant à l’édification de volumes auditifs qui s’étendent, se contractent et se métamorphosent avec fluidité au fil du temps.

Cette approche trouve un écho évident dans les pratiques architecturales contemporaines, où les configurations spatiales sont manipulées pour modeler l’expérience humaine. Ici, le son devient matière et structure, un médium à travers lequel la spatialité est non seulement évoquée, mais véritablement construite. En établissant cette interaction dynamique entre le sonore et le spatial, l’œuvre invite à une relecture des paradigmes classiques de l’engagement sensoriel. Elle met en exergue les qualités temporelles, éphémères et transformables de l’architecture, tout en posant la question des limites entre les disciplines artistiques et des possibilités de leur hybridation.

Ainsi, Recyclophonitecture transcende les catégorisations traditionnelles pour proposer une expérience immersive où le son et l’espace dialoguent, redéfinissant les contours de la perception sensorielle et explorant les potentialités de l’architecture sonore comme un langage artistique à part entière.

APPLICATIONS PÉDAGOGIQUES : CONCEVOIR DANS DES PAYSAGES SONORES SANS STIMULI VISUEL

S’inscrivant dans la continuité d’une méthodologie pédagogique expérimentale introduite l’année précédente, les étudiant.e.s sont invité.e.s à écouter Recyclophonitecture une seule fois, les yeux fermés, tout en réalisant leurs premiers croquis. Cet exercice pédagogique novateur privilégie la perception auditive aux dépens des indices visuels, mettant en avant le pouvoir du son à catalyser et orienter la conception spatiale. En se concentrant exclusivement sur les stimuli sonores, les étudiant.e.s adoptent une démarche non conventionnelle, favorisant une approche intuitive et véritablement multisensorielle de la création architecturale.

La partition de Recyclophonitecture joue ici un rôle clé en tant qu’outil de traduction, établissant un pont entre la notation musicale et la représentation architecturale. Lazaros Mavromatidis a écrit cette partition suite à la codification traditionnelle du son, encapsulant des dimensions à la fois spatiales et auditives. Ce langage musical codifié devient ainsi un médium de communication, permettant aux étudiant.e.s d’explorer un processus de décodification conceptuelle, où les paysages sonores se transforment en croquis architecturaux.

Recyclophonitecture_string_quartet_score_Lazaros_Mavromatidis

En se laissant guider exclusivement par des stimuli auditifs, les étudiant.e.s traduisent le son en lignes, formes et configurations spatiales, évitant ainsi les biais interprétatifs liés à la vision. Ce processus révèle les « espaces cachés » latents dans leur imaginaire, libérant des potentialités créatives souvent inaccessibles par des moyens traditionnels. Cette méthode pédagogique innovante non seulement réinterroge la primauté des sens dans la conception architecturale, mais inscrit également le son comme une essence fondamentale et structurante de l’espace. Par cette exploration, les étudiant.e.s intègrent une sensibilité accrue à l’interdisciplinarité entre musique, architecture et perception sensorielle, renforçant une conception de l’espace enracinée dans une pluralité d’expériences perceptuelles.

UNE DÉCLARATION SUR LA PERCEPTION ET LA STRUCTURE

En conclusion, Recyclophonitecture transcende sa nature d’œuvre musicale pour s’affirmer comme une déclaration philosophique sur l’interconnexion profonde entre le son, l’espace et la perception. Elle invite les auditeurs et auditrices à interroger la manière dont les environnements auditifs façonnent leur appréhension du monde, tout en offrant une perspective novatrice sur l’intersection entre musique, architecture et design sensoriel.

Par la fusion des modalités acoustiques et numériques, la déconstruction et le recyclage de thèmes préexistants, ainsi que la visualisation spatiale à travers le prisme sonore, Recyclophonitecture ouvre un dialogue interdisciplinaire dynamique. Ce dialogue explore les potentialités offertes par la convergence des champs architectural et musical pour redéfinir les modes d’engagement humain avec l’espace, la structure et les environnements multisensoriels.

L’œuvre agit ainsi comme un catalyseur conceptuel, remettant en question les paradigmes établis et suggérant une reconfiguration de la perception spatiale où les qualités éphémères et immatérielles du son se superposent aux notions classiques de matérialité et de permanence architecturale. Par cette démarche, Recyclophonitecture propose une vision où la musique et l’architecture coexistent non seulement comme des pratiques artistiques complémentaires, mais comme des vecteurs puissants de transformation sensorielle et cognitive.

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(English Version)

« Recyclophonitecture » STEP 1: Sound as an Architectural Medium

Recyclophonitecture is a new educational experiment designed for 4th-year architecture and engineering students. This year, its teaching principles and methods will be shared with the public through a series of blog entries in the form of workshop diaries. This initiative aims to showcase the educational approach to architecture, particularly within the Architect-Engineer program at INSA Strasbourg. It highlights three core values of the institution: interdisciplinarity, ingenuity, and excellence.

💡 The idea?
What if architectural tools—normally used to design spaces—could be repurposed to create music? That’s exactly what Recyclophonitecture explores: transforming sketches, plans, and structures into sounds and rhythms.

🎼 A one-of-a-kind workshop
Lazaros Mavromatidis, the workshop coordinator (who is also a classically trained guitarist, certified by the Greek Ministry of Culture), took on the challenge of composing original music using architectural methods. His goal? To demonstrate how these tools can be applied beyond building design and into entirely different creative fields.

🛠️ Why is this interesting?
This workshop encourages students to think differently, break down disciplinary boundaries, and boost creativity. Music becomes a new way to explore architectural ideas and fuels conceptual thinking from the very start of a project.

When Architecture Composes: Architectural Tools in the Service of Music

The foundation of Recyclophonitecture lies in its use of architectural tools—traditionally employed for spatial design—to compose music. Tools such as:

  • Diagrammatic Thinking: Creating soundscapes through abstract representations of movement, density, and volume.
  • Parametric Design: Translating variable elements like tone, rhythm, and timbre into evolving auditory structures.
  • Materiality of Sound: Treating sounds as tactile materials, emphasizing texture and resonance to craft auditory forms.
  • Spatial Layering: Designing layers of sound to mimic physical spaces that interact dynamically, evoking perceptions of depth and dimension.

Through these methodologies, the composition departs from conventional musical frameworks, adopting instead an architectural ethos where sound is treated as a malleable construct.

Deconstruction as a Philosophical Framework

The recycling of melodies within Recyclophonitecture is inspired by the philosophical concept of deconstruction, rooted in the work of Jacques Derrida. Deconstruction challenges fixed meanings and structures, encouraging reinterpretation through the dismantling and reconstruction of elements. In this composition, themes are dissected and rearranged into new configurations, allowing listeners to perceive both the fragments of the original and the novel forms they create. This approach aligns with contemporary architectural practices that prioritize adaptive reuse, where existing structures are transformed into innovative spaces. Similarly, in music, this method underscores the transient and evolving nature of sound, inviting a reevaluation of permanence and coherence.

Analogies of Acoustic and Digital sound materialities

The composition’s progression from a classical string quartet to an electronic orchestra serves as an analogy for the architectural dialogue between the physical and digital. Traditional acoustic instruments symbolize the tangible, material world, while electronic textures reflect the virtual, parametric possibilities of contemporary design. The fusion of these elements mirrors architectural practices where conventional construction techniques are augmented by computational methods, resulting in hybrid spaces that transcend traditional boundaries. Through this blending of media, Recyclophonitecture demonstrates how diverse tools and approaches can coexist to produce layered, multidimensional experiences.

Sound as Architectural Space

Central to the piece is the idea of sound as an architecture of its own, where the principles of mixing, pumping, and mastering become analogous to spatial design. Layered soundscapes construct an immersive auditory environment, offering listeners a three-dimensional perception of space. Each note and rhythm acts as a building block, creating auditory volumes that expand, contract, and transform dynamically over time. This approach parallels architectural practices where spatial configurations are manipulated to shape human experience. The resulting interplay between sound and space challenges conventional notions of sensory engagement, emphasizing the temporal and ephemeral qualities of architecture.

Pedagogical Applications: Designing in Blindfolded Soundscapes

Echoing last year’s experimental methodology, students are invited to listen to Recyclophonitecture a single time, blindfolded, while drafting their first croquis. This pedagogical exercise emphasizes auditory perception over visual cues, underscoring sound’s capacity to initiate and drive spatial conception. By prioritizing sonic elements, students engage with architecture through an unconventional lens, cultivating an intuitive and multisensory approach to design. Additionally, the partition in Recyclophonitecture serves as a profound medium of translation, bridging the realms of music annotation and architectural representation.

Lazaros Mavromatidis utilized the codification of sound through musical notation, meticulously crafting a composition that encapsulates spatial and auditory dimensions. This codified framework, embedded in the musical partition, becomes a vessel of communication, enabling students to engage in a process of decodification through architectural croquis.

Recyclophonitecture_string_quartet_score_Lazaros_Mavromatidis

Guided exclusively by auditory stimuli, the students translate sound into lines, forms, and spatial configurations, bypassing visual interpretation. This exercise uncovers the latent « hidden spaces » within their imagination, revealing an intuitive and multisensory approach to spatial conception that is deeply rooted in the essence of sound.

A Statement on Perception and Structure

Ultimately, Recyclophonitecture is more than a musical piece; it is a philosophical statement on the interconnectedness of sound, space, and perception. It challenges the listener to consider how auditory environments shape their experience of the world and offers a fresh perspective on the intersection of music, architecture, and sensory design. By merging acoustic and digital modalities, deconstructing and recycling themes, and visualizing space through sound, Recyclophonitecture opens a dynamic dialogue on the potential of architectural and musical convergence to redefine human engagement with space and structure.

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