Après 4 mois d’études, l’équipe des étudiants et enseignants architectes en mission au Bénin a passé deux semaines, du 20 mars au 1er avril, dans le sud du pays pour y construire le prototype imaginé par les élèves. Une expérience humaine grandeur nature qui a mobilisé leur capacité d’adaptation et d’improvisation.
Ils étaient loin d’imaginer que leur prototype de pavillon serait en ébène ! Un bois si précieux et rare en France, et un matériau de construction courant au Bénin, car c’est une ressource locale. Après quelques jours d’attente, ils sont allés eux-mêmes à la scierie locale pour le faire débiter aux bonnes dimensions. La poupée vaudou façonnée avec humour par l’un des élèves aurait-elle contribué à leur chance ?
S’adapter aux imprévus
L’ébène fourni est marbré noir et blanc, ce qui confère à l’ossature un dessin graphique inattendu. Mais il est aussi très dense, dur et lourd, difficile à travailler, il a contraint l’équipe à revoir la charpente pour l’alléger. Sans compter les coupures d’électricité, les outils électriques par conséquent inutilisables, les mèches de la perceuse qui se brisent… « L’emploi du temps, les moyens humains et matériels, le contexte africain, les imprévus nous ont demandé une adaptation en permanence. Chaque jour, nous devions revoir le projet architectural pour l’adapter aux contraintes locales tout en conservant son essence. C’était complexe, mais très intéressant ! » raconte Julien Rouby, enseignant en architecture. Ou comment mobiliser ses ressources et déployer une autre ingéniosité… « C’est pour cela que nous tenons à ce que les élèves construisent eux-mêmes sur le terrain, pour se rendre compte que le dessin n’est pas toujours ce que l’on réalise par la suite. Le savoir pratique est aussi important et riche que le savoir théorique dans la formation d’un architecte ».
Transfert de compétences réciproque
Le pavillon de 50 m2 au bord du lac Nahémé comporte donc une ossature en ébène, des enduits en terre, des panneaux mobiles en tiges de palmier et wax, des pilotis pour pallier les variations du niveau du lac, des débords de toiture pour protéger du soleil, une terrasse, un système de récupération de l’eau de pluie pour alimenter la salle d’eau. Il préfigure le projet d’agrotourisme durable (écolodge et centre de formation des jeunes au maraîchage), porté par M. Houessou, en partenariat avec Tourisme Sans Frontières. En compagnie des deux maçons et du charpentier béninois, les 18 étudiants et les 5 enseignants strasbourgeois se sont répartis en équipes pour les fondations, le « barbouillage » des façades avec les enduits terre, l’ossature et la confection des panneaux. « Quand nous étions coincés, ils nous apportaient des solutions avec leur système D, ils savent réparer les outils, tout est recyclé, économique, adapté. C’était un transfert de compétences réciproque » selon l’enseignant.
Les étudiants se souviennent des « outils faits maison, comme une masse en ébène », la prise de décision « très démocratique : à main levée », de la « chaleur incroyable ». Ewald et Maximin ont pris conscience du décalage qu’il peut exister « entre l’imagination – le projet élaboré sur le papier en France – et la réalité – le contexte béninois- », et de la nécessité de s’imprégner du terrain. Ewald : « Nous avons dimensionné notre projet à l’européenne, pour qu’il dure, alors qu’au Bénin, ils construisent d’une manière plus rapide, simple et improvisée. Ils étaient impressionnés par notre manière de monter les fermes (sections) de l’ossature, en les assemblant au sol avant de les verticaliser dans les fondations ». Maximin : « Le chantier a été une expérience extraordinaire. Nous avons pu tester plusieurs domaines : la charpente, la zinguerie, les fondations, etc. Si un problème se présentait, ce n’était pas grave, cela faisait partie des joies du chantier. C’était ma première expérience en Afrique subsaharienne, elle confirme mon choix de travailler à l’étranger, dans les pays en voie de développement. L’acte de construire y est plus artisanal, on retrouve l’esprit du compagnonnage, alors qu’en Occident, le modernisme a scindé le travail de l’artisan et du concepteur. »
Expositions
« Nous avons tous été bluffés quand nous avons vu le prototype. C’est un projet exceptionnel pour Tourisme Sans Frontières » commente Marc Dumoulin, son président. « Notre équipe était extrêmement solidaire et motivée. Les étudiants ont fait un travail remarquable. Le projet imaginé par un élève devient collectif, le projet d’une promotion, d’une école : c’est une expérience assez unique » confie Julien Rouby. Un étudiant lâche, avec un enthousiasme spontané, « Merci, c’était incroyable ! ». Comme si les mots lui manquaient pour exprimer ce qu’il a vécu.
Les étudiants vont réaliser une plaquette et des panneaux d’exposition pour le salon Solidarissimo à Colmar. D’autres projets d’exposition sont en projet.
Stéphanie Robert