Les « hétérotopies climatiques » d'Antoine Goupil et Cat Tien Thai N'Guyen alors étudiants en 4ème année du double cursus architecte ingénieur de l'INSA Strasbourg, obtiennent le 3ème prix International Antonio Gaudi de la catégorie Bâtiment Public du concours Silkmatters 2020.
L’idée du changement climatique, de plus en plus marquante dans notre époque, représente un enjeu pour la conception architecturale et est à l’épicentre de l’étude de l’atelier « hétérotopies climatiques » que j’ai crée en tant que Maître de Conférences à l’INSA Strasbourg et chercheur affilié à l’unité de recherche ICube, il y a 4 ans (plus d’informations en fin d’article). Cet atelier qui a vu le jour en 2017, s’adresse aux étudiants en 4ème année du double cursus architecte ingénieur de l’INSA Strasbourg et est fruit de mon ambition de développer et institutionnaliser une activité pédagogique liée directement à la recherche en architecture pour nourrir l’imaginaire radical instituant chez les étudiants.
Le projet académique de Cat Tien Thai N’Guyen et d’Antoine Goupil, qui a été développé dans le contexte de cet atelier, a obtenu le 3ème prix Antonio Gaudi de la catégorie Bâtiment Public du concours Silkmatters 2020. Ce projet a été pensé dans le but d’imaginer un espace architectural et social multisensoriel, à travers la réinterprétation du concept de « l’hétérotopie », en utilisant principalement la dimension climatique comme paramètre de conception formelle.
En premier lieu, les deux étudiants de l’INSA Strasbourg se basent sur l’enseignement théorique de cet atelier qui étudie comment la philosophie de Michel Foucault sur les hétérotopies, définies comme des espaces culturels, institutionnels et discursifs pourrait conduire à la conception des espaces qu’on pourrait en quelque sorte qualifier comme des « autres lieux ». Au travers de cette idée, les deux étudiants, dans le cadre de cet atelier ont été invités à considérer l’ancien aéroport d’Hellinikon à Athènes comme une hétérotopie, de part sa présence signifiante dans le paysage ainsi que dans la conscience collective de la ville. Ce terminal (monument classé actuellement), conçu par l’architecte Eero Saarinen en 1938 (auteur également du fameux terminal JFK à New York), fut utilisé jusqu’en 2001, date à laquelle l’aéroport Eleftherios Venizelos fut inauguré en successeur. Depuis lors, l’aéroport d’Hellinikon est à l’abandon et suscite de nombreuses spéculations immobilières.
Il est clair pour Antoine et Cat Tien que ce lieu ne doit pas devenir un nouvel espace de business standardisé mais un espace d’inclusion à moindre impact environnemental tel qu’il a été défini et imposé par le sujet de cet atelier qui est en relation directe et implicite avec mes recherches sur la notion de « l’hétérotopie climatique ».
Les deux étudiants de l’INSA Strasbourg ont su se saisir de ce projet comme une opportunité pour imaginer une expérimentation urbaine qui respecte l’environnement à l’échelle d’un quartier habité. Le site est vu comme le lieu où pourraient naître des modes de vie alternatifs, où chacun pourrait être libre d’utiliser son imagination pour bâtir collectivement une « ville durable qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs », selon la définition de l’ADEME.
Comme Antoine et Cat Tien l’ont souhaité, leur projet est destiné de devenir un moyen et « par ce moyen, l’utilisateur du site pourrait apprendre de l’autre, des expérimentations, et trouver des solutions aux enjeux urbains et climatiques actuels ». En clair, au travers de leur « hétérotopie climatique », Antoine et Cat Tien cherchent à remettre en question « l’incertitude de notre modèle consumériste actuel, en se recentrant sur l’humain, la nature et les ressources naturelles ».
De fait, les deux étudiants de l’INSA Strasbourg croient en « un modèle plus inclusif et plus responsable sur la question environnementale et essaient de fabriquer ce modèle spatialement en utilisant des outils et des stratégies architecturaux ». En effet, selon leur vision, « l’Homme cherche naturellement le lieu où il se sentira le plus à l’aise, en confort et sécurité ». C’est pour cela que l’idée principale de leur projet vise à « favoriser des manières de vivre moins anonymes, actuellement répandues dans des quartiers uniformisés de nos métropoles, et plus adaptées à l’habitant, à ses besoins qui, en s’exprimant, prennent corps en bâtissant ».
D’un point de vue plus concret, cela consiste à créer « une variété d’espaces libres offerts aux actes de chacun ». Cat Tien et Antoine ont en conséquence travaillé sur un « laboratoire d’architecture » inédit, en transformant l’ancien terminal d’aéroport. En première approche, ce bâtiment réinvesti aurait pour but « d’initier, au travers d’une visite en deux temps, aux bases de l’architecture vernaculaire, à son histoire et ses savoir-faire. Des espaces de rencontre entre les habitants et les visiteurs ont été spatialement définis pour permettre l’accueil de divers évènements participant à la vie du secteur ».
Enfin, avec le développement d’un quartier auto-construit, un centre de recherche et de ressources sur les méthodes constructives «les utilisateurs de cette nouvelle urbanité dans un premier temps viendraient apprendre de ces réalisations spontanées ; puis transmettre et guider les futurs habitants dans leurs choix ».
L’objectif est d’explorer les options de réemploi et d’adapter la construction aux tendances climatiques avec une approche low-tech, en opposition aux standards actuels. Par cette méthode, Antoine et Cat Tien cherchent à proposer un exemple de « comment construire différemment, comme une boîte à outils de l’architecture vernaculaire en formant un ensemble hétérotopique qui est entre autres un collage des plusieurs climats, ambiances et spatialités ».
En bref, leur intention n’est pas de rejeter le rôle de l’architecte mais au contraire de l’encourager à repenser ses approches, de laisser son rôle de « gérant » évoluer vers le rôle de « guide » pour aider chacun à développer sa propre architecture.
Cette vision est aussi l’élément fondateur de cet atelier (dès sa création en 2017) où l’acte pédagogique est considéré comme la « praxis » concrète ouverte, qui empêche la transformation inconsciente des limites réelles des connaissances des élèves en un bord absolu et les incite à une expérimentation continue à la fois théorique et spatiale.
Du fond du cœur donc je félicite Cat Tien et Antoine pour cette récompense internationale bien méritée en leur souhaitant un avenir très créatif et plein de succès !
La présentation de Cat Tien et Antoine devant le jury international du 7 mai 2020 ainsi que le dialogue avec les membres du jury dans le cadre de l’activité pédagogique sont accessibles en vidéo.
Les résultats du concours Silkmatters sont disponibles sur leur compte Instagram et sur leur site internet.
Pour suivre l’actualité de l’atelier « hétérotopies climatiques », rendez-vous sur le site internet www.climatic-heterotopias.com
L’atelier « hétérotopies climatiques » en 2019
https://architecture.insa-strasbourg.fr/heterotopies-climatiques-espaces-dinclusion/