Nous avons reçu la visite de deux représentantes de la communauté Innue du nord Québec du 8 au 12 novembre 2018, dans le cadre de l’atelier « projet structure » avec les étudiants en 4e année en architecture de l’INSA Strasbourg.
Cette année, en partenariat avec les écoles d’architecture de l’Université Laval et de l’Université Laurentienne au Québec, les étudiants travaillent sur un projet de « lieu de transmission de la culture Innue ».
Les Innus sont des autochtones du Canada, dont les communautés sont situées sur la côte Nord du fleuve St Laurent au Québec.
Ce projet est issu d’un rêve de Denis Vollant, directeur de l’institut culturel innu Tshakapesh, de bénéficier d’un tel lieu d’échange, dans le cadre du partenariat de recherche « habiter le Nord Québécquois – mobiliser, comprendre, imaginer (CRSH 2015-2020) ».
L’objectif pour les étudiants de l’INSA Strasbourg étant de prendre en compte les ressources matérielles, techniques et culturelles comme potentiels d’un projet soutenable. Des projets similaires se déroulent en parallèle au Québec dans les écoles d’architecture de l’Université Laval et de l’Université Laurentienne.
Lors du démarrage de l’atelier, les étudiants de l’INSA ont travaillé sur la structure sociale innue, l’art, la spiritualité, la relation au territoire, l’architecture contemporaine, l’architecture vernaculaire innue, l’architecture vernaculaire sous des climats similaires, via la littérature scientifique. Ils ont ensuite étudié l’architecture vernaculaire en réalisant des maquettes. Des échanges par visio-conférences entre les ateliers français et québécois ont permis d’aborder collectivement des questions d’ordre éthique (quelle est notre légitimité à proposer des projets pour les communautés Innues ?), mais aussi d’ordre pratique (quelles sont les moyens d’accès au territoire ?).
Ainsi, Marie André-Fontaine, professeure de langue et culture innue, et Gaëlle André-Lescop, membre du conseil tribal Mamuitun qui vient en soutien à différentes communautés au niveau des services techniques, des immobilisations et des infrastructures, sont venues échanger avec les étudiants de l’atelier.
Le premier jour, Marie André-Fontaine a présenté la culture et la langue innues, et les activités existantes dans les écoles autour de la question de la transmission de la culture. Ainsi, les étudiants ont pu mieux saisir les enjeux actuels de cette transmission auprès des enfants.
Ensuite, Gaëlle André-Lescop a présenté une étude qu’elle a réalisé sur les représentations du territoire et les traits identitaires des campements innus. Les étudiants ont pu en apprendre davantage sur la relation des Innus à leur espace bâti et à leur territoire. Par exemple, Gaëlle André-Lescop a expliqué les critères qui priment dans le choix de l’implantation d’un chalet : la vue sur le paysage, la topographie, la direction des vents, l’accès à l’eau ou encore la période de l’année. La vue sur le paysage est importante pour l’accès aux ressources, pour la chasse et la pêche : « Lors de mes entrevues, lorsque j’ai demandé pourquoi il était important d’avoir une vue vers la rivière, un des Innus qui avaient assisté son père dans la construction son chalet, a répondu : “Mon père devait regarder la rivière et les gens pêcher. S’il voyait quelqu’un attraper un saumon, il devait se dire : Bon ça mord, je vais aller pêcher“.
Le second jour, les étudiants de l’INSA ont présenté leurs projets en cours de conception. Ils ont pu échanger avec Marie André-Fontaine et Gaëlle André-Lescop autour du choix du site, du programme et des partis développés dans leurs projets. Alors que certains étudiants privilégient le dialogue entre autochtones et non-autochtones, ils ont pu réorienter leur choix d’un site. Un autre projet a pu valider la pertinence de la réinterprétation d’éléments culturels, tels que le tambour qui est l’instrument réservé aux chasseurs. Mais ils ont pu aussi en voir les limites : il est impensable d’imaginer de marcher sur un tambour, réel ou symbolique ! Un autre groupe encore a pu échanger autour de son programme. Si on organise un mariage, qui est invité ? Toute la
communauté. Alors comment se passe la cuisine ? Quels espaces sont nécessaires ? En étant loin des réseaux d’eau et d’électricité, comment faire ? Actuellement, les Innus apportent des bidons d’eau potable ou font bouillir celle de la rivière Moisie. Ils utilisent des génératrices au fioul.
Quelles solutions peuvent proposer des étudiants architectes ayant un bachelor en ingénierie ? Ces moments d’échanges riches ont pu permettre aux étudiants de mieux se représenter la réalité quotidienne de ces communautés pour lesquelles ils proposent un lieu de transmission de la culture. Pour les représentantes des communautés Innues, cela a permis d’apporter de nouvelles idées concernant l’architecture dans les réserves et dans le territoire.
Le rendez-vous est donné pour le rendu final le 19 novembre, par visio-conférence, avec Marie André-Fontaine et Gaëlle André-Lescop et les enseignants et les étudiants des écoles d’architecture de l’Université Laval et de l’Université Laurentienne !
Article rédigé par Chloé Le Mouel et Christelle Gress